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  La méthode cryptozoologique
 

Texte trouvé sur le site l'Institut Virtuel de cryptozoologie, de Michel Raynal

Pour certains de nos contradicteurs, la cryptozoologie, comme l'astrologie, l'ufologie, la graphologie, la parapsychologie et tutti quanti, n'est pas une science, mais simplement une sorte de chasse au dahu, ou en mot, une pseudo-science (Radner and Radner 1982).

    Assez curieusement, il n'existe aucune définition satisfaisante de ce qu'est une science (Bauer 1987). C'est pourquoi il est plus simple de définir ce qu'est une pseudo-science (et donc, a contrario, ce qu'une science véritable n'est pas) : la "théorie" d'une pseudo-science est subjective, avec des aspects accessibles aux seuls "initiés" ; son formalisme est pauvre, comprenant peu ou pas de mathématiques et peu ou pas de raisonnement logique (déduction, induction, etc.) ; elle affirme des hypothèses invérifiables, ou même fausses ; elle n'utilise pas les notions des autres disciplines, et ne s'appuie pas sur les autres disciplines ; sa doctrine est toujours la même, parfois depuis des siècles (alors que la science s'enrichit en permanence, et se remet en cause) ; enfin sa conception du monde est en contradiction avec les lois généralement admises de la physique, sinon même avec le simple bon sens (Alcock 1981).

    Qu'en est-il de la cryptozoologie à ce point de vue ? Il apparaît en fait qu'elle n'a aucun point commun avec les pseudo-sciences (Raynal 1989) :

 

1) la cryptozoologie est objective :

    La cryptozoologie n'est évidemment pas accessible aux seuls "initiés" (comme la cartomancie), et elle se base sur un certain nombre de faits irréfutables :
    - l'inventaire faunistique de la planète est encore loin d'être achevé.
    - on découvre encore de grands animaux inconnus de la science.
    - ces grands animaux ne sont "nouveaux" que pour les zoologistes, puisqu'ils étaient toujours déjà connus des autochtones.
    - leur découverte s'est souvent étalée sur des années, des décennies, voire des siècles.
    - leur portrait-robot et leurs affinités zoologiques probables étaient le plus souvent parfaitement prévisibles antérieurement à leur découverte.

 

2) la cryptozoologie est formaliste :

    L'utilisation de la méthode statistique, depuis Oudemans au dix-neuvième siècle, jusqu'à Heuvelmans et ses successeurs aujourd'hui, est une des constantes de la cryptozoologie. Cryptozoology, le journal interdisciplinaire de l'International Society of Cryptozoology (ISC), a publié des contributions de valeur à la "cryptozoologie mathématique", notamment les travaux de Paul LeBlond sur les dimensions du "monstre" du lac Champlain.

 

3) la cryptozoologie est vérifiable, vérifiée ou falsifiable :

    La cryptozoologie se base sur des données vérifiables : bibliographie, références citées, protocoles d'enquête ou d'analyse, etc., sont intégrés par les cryptozoologues depuis des décennies.
    Elle est ouverte à discussion et controverse, comme en témoignent les échanges souvent passionnés, dans les colonnes de Cryptozoology notamment. Elle est "falsifiable" au sens de Karl Popper, c'est-à-dire qu'on peut imaginer des tests permettant d'invalider telle ou telle hypothèse, à la différence des pseudo-sciences.

 

4) la cryptozoologie s'appuie sur les autres sciences :

    La recherche cryptozoologique est interdisciplinaire, puisqu'elle fait appel à la zoologie, bien sûr, mais aussi la paléontologie, l'anatomie, l'éthologie, la dynamique des populations, l'écologie (au sens biologique du terme), la systématique (ou taxonomie), la zootechnie, la psychologie, l'archéologie, la linguistique, etc., alors que l'astrologie, par exemple, n'a rien à voir avec l'astronomie, dont elle ignore d'ailleurs les travaux.

 

5) la cryptozoologie satisfait au principe de moindre pensée ou d'économie d'hypothèses :

    La cryptozoologie ne bouleverse en rien les lois physiques, puisque l'existence d'espèces ou de sous-espèces animales de taille moyenne à grande encore inconnues est continuellement confirmée par de nouvelles découvertes, comme les divers grands mammifères décrits récemment du nord Viêt-Nam. Supposer l'existence d'une centaine d'espèces animales encore inconnues, fussent-elles de grande taille, ne change pas l'ordre du monde, alors qu'à l'inverse la psychokinèse (le déplacement d'objets par la pensée), la lévitation et la voyance violent les principes les mieux établis de la physique (la loi de l'action et de la réaction, la gravitation universelle, le principe de causalité).

 

La notion de preuve en cryptozoologie :

    Nos détracteurs disent en substance : "quand vous aurez un cadavre, nous y croirons". Notons d'abord qu'il n'est nullement question de croyance : est-ce qu'un physicien "croit" aux atomes ? C'est en fait le problème de la preuve qui est ainsi posé.
Comme le souligne Bernard Heuvelmans, il n'existe que trois types de preuves : autoscopiques (que tout le monde peut voir), testimoniales (fondées sur des témoignages) et circonstancielles (indices concomittents). L'ensemble des connaissances humaines n'est basée que sur l'une ou l'autre de ces trois types de preuves, le plus souvent des preuves circonstancielles, rarement autoscopiques.
    L'existence des particules subatomiques, la composition chimique des atmosphères stellaires, la structure interne du noyau terrestre, l'évolution biologique, etc., ne sont attestées que par des preuves circonstancielles.
Il en va de même en histoire : c'est ainsi que l'existence de Jeanne d'Arc, pour ne citer que cet exemple, est fondée sur des preuves testimoniales (les chroniques contemporaines) et circonstancielles (il est de fait que les Anglais ont été "boutés hors de France" au quinzième siècle), mais en aucune façon des preuves circonstancielles (la "pucelle d'Orléans" ayant été brûlée vive). De même, l'existence des chambres à gaz nazies est fondée sur les mêmes types de preuves testimoniales (les témoignages de rescapés de l'enfer des camps) et circonstancielles (par exemple les horaires des convois de déportés, les commandes de gaz Zyklon B aux industriels du III° Reich, ou les travaux de construction de fours crématoires, tels qu'on peut les trouver dans les archives nazies ; ou encore les recherches démographiques sur l'extermination des Juifs d'Europe par Leon Poliakov ou Raul Hilberg) : exiger comme seule preuve de l'existence d'un animal inconnu une preuve autoscopique (en l'occurrence un cadavre) revient à adopter la même attitude que les "historiens" révisionnistes, négateurs des chambres à gaz, qui réclament à corps et à cri "la" preuve de celles-ci.
    Le caractère indéfendable, d'un point de vue épistémologique, de l'exigence d'un spécimen comme seule preuve de l'existence d'un animal inconnu éclate d'ailleurs dans le cas de la paléontologie, à savoir la science des animaux disparus : à de rarissimes exceptions près (les mammouths congelés dans le permafrost de la Sibérie ou les insectes englués dans l'ambre jaune de la Baltique, une résine solidifiée par la suite), on ne dispose jamais de l'animal lui-même : dans le meilleur des cas, on ne possède que des ossements minéralisés fragmentaires, et parfois de simples traces du passage de l'animal comme dans le cas du Chirotherium. Il y a d'ailleurs plus d'un parallèle entre la cryptozoologie et la paléontologie : les deux disciplines relèvent de la zoologie, elles s'intéressent à des animaux "cachés" (dans l'espace ou dans le temps), dont la connaissance ne peut être que fragmentaire, elles se basent sur des preuves circonstancielles, et les portraits-robots établis en cryptozoologie ne sont pas plus déraisonnables que les reconstructions d'animaux préhistoriques. Ajoutons que la cryptozoologie est parfois concernée par la survivance de formes animales considérées comme éteintes depuis les temps géologiques.
    Certains objecteront que la cryptozoologie ne progresse pas, ce qui est faux, comme il est démontré ailleurs sur ce site. Mais même si la recherche cryptozoologique n'avait pas découvert une seule forme animale nouvelle depuis qu'elle existe, où serait le problème ? Encore une fois, c'est considérer la preuve autoscopique comme seule valable. L'exobiologie, qui se fixe pour but l'étude de la vie extra-terrestre, ne serait-elle pas une science, au motif qu'on n'a pas encore découvert de vie extra-terrestre ? Si la recherche en exobiologie n'a pas de preuve autoscopique à mettre en avant, elle n'en a pas moins considérablement progressé ces dernières années : on est en effet fondé à penser que la vie est un phénomène banal dans l'univers, sur la base de données circonstancielles encore une fois (l'unicité des lois de la physique et de la chimie dans l'univers, la formation spontanée de molécules organiques complexes dans le vide interstellaire, la présence d'acides aminés dans des météorites charbonneuses, l'apparition d'acides aminés et de nucléotides dans les expériences de chimie prébiotique de Miller, la découverte récente de cortèges planétaires autour des étoiles proches, etc.).

 

Cryptozoologie et mythification

    Pour une école amenée notamment par Michel Meurger, les témoins affirmant avoir observé un animal mystérieux ne font que broder sur un thème folklorique. Cette approche uniquement culturelle est démentie par les indices matériels (photos, traces de pas, restes anatomiques, etc.) que l'on possède parfois sur ces créatures. Il est vrai cependant que la pensée mythique est un élément à prendre en considération.
    Il existe en effet un certain nombre de mythes (le dragon, la sirène, l'homme sauvage, la licorne, etc.) que l'on retrouve sous toutes les latitudes et à toutes les époques : ils semblent appartenir à notre inconscient collectif, cher à Karl Gustav Jung, et intervenir dans la perception d'un animal inconnu par le témoin. Bernard Heuvelmans a formulé l'hypothèse qu'il s'agit là d'une sorte de mécanisme de défense de notre intégrité psychique face à l'agression de l'inconnu, comme les anticorps nous protègent des agressions biologiques extérieures. Quoi qu'il en soit, la prise en compte de ce phénomène est capitale en cryptozoologie, en suivant un principe simple : les mythes étant très stéréotypés, il suffit de filtrer le témoignage de ces stéréotypes pour en retirer la "substantificque moëlle".
    Un exemple peut être donné par le mythe de l'homme sauvage. Déjà, sous l'Antiquité, les Satyres étaient décrits comme des créatures humanoïdes couvertes de poils et avides de bon vin et de jolies nymphettes ; certains auteurs ont voulu voir dans ces créatures des Néanderthaliens attardés. Plus près de nous, avant qu'on ne le découvre scientifiquement au milieu du dix-neuvième siècle, le gorille africain (Gorilla gorilla) était décrit comme un "homme des bois" ravisseur de Négresses et que l'on pouvait capturer en l'énivrant avec un bol d'alcool posé devant la case. Et de nos jours, c'est le yeti, un singe anthropoïde himalayen encore inconnu, que les sherpas du Népal accusent d'enlever leurs femmes et qu'ils pensent pouvoir endormir en lui faisant boire un bol de bière fermentée ! Détails mythiques certes, qui doivent trouver leur origine dans l'identification qui se fait, dans l'esprit populaire, entre pilosité et virilité (le pubis étant la partie la plus velue de notre anatomie), mais qui n'enlèvent rien au fait que le gorille existe bel et bien, de même que le yeti, quoi qu'en disent certains folkloristes. Du reste, à un enquêteur troublé par les caractères mythiques associés au yeti, et demandant à son informateur sherpa si le yeti était une légende, le montagnard népalais fit cette réponse d'un bon sens désarmant : "est-ce qu'une légende laisse des empreintes dans la neige ?"

 

Références citées

ALCOCK, James A.
1981 Parapsychology : science or magic ? Oxford, Pergamon Press.

BAUER, Henry H.
1987 What do we mean by "scientific". Journal of Scientific Exploration, 1 [n° 2] : 119-127.

HEUVELMANS, Bernard
1988 The sources and method of cryptozoological research. Cryptozoology, 7 : 1-21.

RADNER, Daisie, and Michael RADNER
1982 Science and unreason. Belmont, Wadsworth Publishing : 33.

RAYNAL, Michel
1989 Cryptozoology : science or pseudo-science ? Cryptozoology, 8 : 98-102.

 
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