Depuis plus de deux siècles, dans divers lacs et rivières de Nouvelle-Zélande, est signalé un mammifère aquatique mystérieux, à allure de loutre, et connu notamment sous son nom maori de
waitoreke.
1) Quelques témoignages
- Le célèbre navigateur anglais James Cook est le premier Occidental à mentionner la présence d'un mammifère terrestre en Nouvelle-Zélande, lors d'une halte à Dusky Sound, dans l'Ile du Sud, au cours de son deuxième voyage en mai 1773 :
"Pendant trois ou quatre jours, après notre arrivée au havre de Pickersgill, comme nous éclaircissions les bois pour dresser nos tentes, etc., trois ou quatre d'entre nous virent un animal quadrupède ; mais comme on n'en fit pas deux descriptions semblables, je ne puis dire de quelle espèce il est. Ils étaient cependant tous d'accord pour dire qu'il était de la taille d'un chat, avec des pattes courtes, et couleur de souris. Un des matelots, celui qui l'avait le mieux vu, disait qu'il avait une queue touffue, et que, de tous les animaux qu'il connaissait, c'était au chacal qu'il ressemblait le plus. Le plus probable, c'est qu'il s'agit d'une nouvelle espèce. Mais en tout cas, nous sommes désormais certains que ce pays n'est pas aussi dépourvu de quadrupèdes que nous l'avions pensé un moment." (tiré de Cook 1777).
- Le révérend Richard Taylor, auteur d'un ouvrage sur la Nouvelle-Zélande publié en 1855, a rassemblé plusieurs témoignages de première main auprès des colons britanniques :
"Un homme nommé Seymour, d'Otaki, affirmait qu'il avait vu à plusieurs reprises un animal à Middle Island [ancien nom de l'Ile du Sud], près de Dusky Bay, sur la côte sud-ouest, qu'il appelait un rat musqué, à cause de la forte odeur qu'il émettait. Il disait que sa queue était épaisse, et ressemblait au pirori mûr, le fruit du kiekie, dont l'aspect n'est pas très différent de la queue d'un castor. Ce compte-rendu fut corroboré par Tamihana te Raupahara, qui en parlait comme ayant une taille double de celle du rat de Norvège, et comme ayant une queue aplatie. Un homme nommé Tom Crib, qui avait été engagé dans la chasse à la baleine et au phoque dans le voisinage de Dusky Bay depuis plus de 25 ans, disait qu'il avait rencontré plusieurs fois leurs habitations, et avait été surpris de voir de petits cours d'eau endigués, et des maisons comme des ruches érigées d'un côté, ayant deux entrées, une dessus et l'autre dessous le barrage. Un des Cameron, qui vivait à Kaiwarawara quand les colons parvinrent pour la première fois à Wellington, affirmait qu'il vit un de ces grands rats et le poursuivit, mais il sauta à l'eau, et plongea hors de sa vue." (tiré de Taylor 1855).
2) Canulars
- En 1791, un charpentier du Chatham, de l'expédition Vancouver, qui jetait l'ancre à Dusky Sound, prétendit avoir vu un ours blanc (!) dans les bois.
- En 1831, des marins du Sydney Packet se trouvaient à Dusky Sound, lorsqu’ils auraient observé un énorme animal ressemblant à un kangourou... qui se dressait à près de trente pieds (9 m) de hauteur !
3) Indices matériels
Il existe une photographie prise à longue distance.
4) Analyse cryptozoologique
Le waitoreke est décrit comme un mammifère aquatique de quelque 50-60 cm de long, couvert de poils gris-bruns. Son allure générale, ses pattes courtes, comme sa queue aplatie, le font ressembler à une loutre, d'où son surnom local de "New Zealand otter" (loutre de Nouvelle-Zélande). Plusieurs auteurs, dont Bernard Heuvelmans (1955), ont estimé qu'il s'agissait d'un monotrème inconnu, apparenté à l'ornithorhynque (Ornithorhynchus anatinus), le fameux mammifère aquatique australien pondeur d'oeufs (figure 1).
Figure 1 : l'ornithorhynque (Ornithorhynchus anatinus).
La découverte ultérieure en Australie d'une mandibule d'un monotrème fossile proche de ce dernier, datée de 120 millions d'années, à une époque où l'Australie et la Nouvelle-Zélande étaient reliées, a été considérée par Gunter G. Sehm (1988) comme une preuve de la pertinence de cette hypothèse.
5) Hypothèses alternatives
- Divers mammifères importés ont été évoqués (furet, martre, voire rat, chien, etc.). Bien sûr, des confusions sont toujours possibles, mais les moeurs aquatiques de l'animal mystérieux, et le fait que tous les témoignages ne concernent que l'Ile du Sud, militent en faveur d'un animal inconnu : s'il ne s'agissait que de confusions, pourquoi n'y en aurait-il aucune dans l'Ile du Nord ?
- G. A. Pollock (1970, 1974), qui a recueilli nombre de témoignages récents, a émis l'hypothèse que le waitoreke est une loutre importée par les premiers Maoris pour les aider dans la pêche, comme certaines tribus asiatiques. Mais il est alors invraisemblable que les Maoris n'en aient gardé aucun souvenir dans leur culture.
6) Pour en savoir plus
COOK, James
1777 A voyage toward the South Pole and round the world performed in His Majesty's ships the Resolution and Adventure in the years 1772, 1773, 1774 and 1775. London, W. Strahan and T. Cadell, 1 : 98-99.
HEUVELMANS, Bernard
1955 Sur la piste des bêtes ignorées. Paris, Plon.
POLLOCK, G. A.
l970 The South Island otter -- a reassessment. Proceedings of the New Zealand Ecological Society, 17 : 129-135.
l974 The South Island otter -- an addendum. Ibid., 21 : 57-61.
SEHM, Gunter G.
1988 The waitoreki of New Zealand -- marsupial or monotreme ? Tuatara, 30 : 62-65 (December).
TAYLOR, Richard
1855 Te Ika a Maui, or New Zealand and its inhabitants. London, Wertheim and Macintosh : 394-395.
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